Vers un système alimentaire vert ?

La Réserve
5 min readJul 7, 2020

Sommes-nous des rêveurs si l'on espère avoir un jour une restauration et toute une chaîne alimentaire verte, durables, qui font preuve de bon sens? Peut-être bien que non.

La crise sanitaire sans précédent que nous avons traversé nous a obligé à prendre conscience de la gravité de la situation environnementale et à nous recentrer sur l'essentiel, déconstruire nos modes de consommation, nos habitudes, en prendre de nouvelles… Renverser la balance en changeant les normes et en garantissant une vision globale du monde qui ne l'est pas… Pas si simple, mais chacun, à son niveau, doit s'aligner avec les enjeux de son époque.

La Réserve cherche chaque jour à pousser un peu plus cette dimension dans ses projets. La restauration de demain, c'est celle qui sait évoluer, s'adapter et porter le changement vers un futur plus responsable.

Quand on sait que 1/3 des denrées alimentaires produites au niveau mondial pour l'alimentation sont jetées sans être consommées (FAO), il y a de quoi mesurer l'ampleur de la catastrophe. Le cycle sans fin de l'hyper consommation détruit tout sur son passage et n'a que faire de sauvegarder les ressources.

Alors comme vous, on se pose mille questions sur l'avenir du monde, mais aussi et surtout sur le rôle qu'y occupe la restauration, et nous sommes en recherche constante de nouveaux acteurs plus responsables, plus locaux, de concepts plus innovants, de manières de monter des projets plus viables et durables, pour participer au changement.

Photographie : Unsplash

Face à un modèle de consommation épuisé, la demande des consommateurs évolue.

Les enjeux qui mobilisent les citoyens-mangeurs sont de plus en plus nombreux, et questionnent la responsabilité dans l'alimentation. Les débats engagés depuis quelques années invitent à questionner notre modèle de consommation post 30 glorieuses, basé sur la production en (trop) grandes quantités, l'avènement du plastique… Les emballages, le bien-être animal, la mal bouffe, les aliments ultra transformés tourdumondistes… autant de sujets qui poussent le consommateur à regarder dans son assiette.

Provenance des aliments, composition des plats, respect de l'animal… des questions qui deviennent plus courantes, et qui par conséquent, font évoluer les comportements. On constate par exemple une augmentation de la demande végétarienne en restaurant (60% des Français souhaitent voir une offre végétarienne en restauration rapide selon Snacking) mais aussi le développement du local, de saison, sans pesticides, moins carné…

Parallèlement, les médias / réseaux sociaux ont accentué cette prise de conscience, poussant à intégrer le développement durable dans tous les domaines, y compris la restauration.

Avec la crise du covid-19, ce ne sont pas moins de 84% des français qui se posent des questions sur leur manière de consommer, leur mode de vie et leur impact sur la planète, de quoi penser que la crise a joué un rôle d’accélérateur de comportements.

Les restaurateurs, comme tous les maillons de la chaîne alimentaire, s’affairent.

Après la crise sanitaire, beaucoup de restaurants se sont convertis en relai circuit-court, pendant que d’autres ont proposé des paniers de produits locaux à cuisiner. Ces initiatives lancées au moment d’une France confinée pourraient perdurer, faisant des restaurateurs un nouveau lien entre producteurs et consommateurs, facilitant prise de conscience et changement.

Parallèlement, de plus en plus de chefs prennent des engagements. Certains ont depuis ces dernières années endossé un rôle de lanceur d’alerte, en témoignent les pétitions et tribunes apparues pendant la crise. Depuis, d’autres initiatives ont été lancées comme celle des « Cuistots Engagés » par le chef Yves Camdeborde qui a pour but d’encourager le secteur de la restauration à pencher vers une attitude écoresponsable et des pratiques environnementales vertueuses.

Cet engagement ne date pas seulement de la crise sanitaire, de grands chefs s’étaient déjà emparé du sujet. C’est le cas de Florent Ladeyn, Victor Mercier ou encore Julien Sebbag, Alexis Gauthier… connus pour leur attachement au bien manger.

De son côté, la cuisine végétale qui amène une alternative à la consommation de viande, se développe depuis plusieurs années déjà. On a vu l’arrivée de cantines végétariennes, d’établissements soucieux de promouvoir les filières courtes, biologiques… Une tendance nourrie par la demande et par le soutien bienvenu des recettes veggies des grands chefs et des influenceurs (et donc de coups de projecteurs sur les réseaux sociaux) favorisant le changement.

La tendance, soutenue par le consommateur explique aussi le succès des nouveaux acteurs responsables comme Too Good To Go, Josette Anti-Gaspi ou Le Frigo Jaune, des plateformes qui luttent contre le gaspillage alimentaire en redistribuant différemment des denrées destinées à être jetées.

Dans la chaîne alimentaire, l’écoresponsabilité n’est pas encore monnaie courante mais tous les acteurs : agriculteurs, industriels, fournisseurs, restaurateurs, doivent tendre vers une nouvelle norme pour demain : des produits de saison et locaux, visant le zéro déchet mais aussi le zéro gaspillage.

Finalement, on en est où ?

Le changement, si on le veut durable, doit être pris à bras le corps par tous les maillons de la chaîne alimentaire. Production, distribution, restauration.

Comme le dit Élisabeth Laville, fondatrice du cabinet Utopies, la récente crise a joué un rôle d’accélérateur des tendances, elle pourrait permettre de passer le fameux point de bascule où les attentes et comportements d’une minorité d’activistes gagnent la majorité d’un secteur. Car en effet, si c’est le cas, la restauration pourrait devenir un des maillons essentiels dans la transition alimentaire et continuer à être un véritable tiers de confiance.

Le chemin est encore long. Alors que la malbouffe continue de gagner du terrain partout dans le monde, que la pêche s’intensifie, la chasse aussi, que les agriculteurs luttent pour survivre sans se faire avaler par les groupes industriels, que le glyphosate continue d’être utilisé, que l’on mange toujours des tomates en décembre… La réponse à notre question de départ est en demi-teinte : le changement est lent mais il est là, les outils pour l’impulser aussi. « Il est urgent d’être sérieux » comme dirait Aurélien Barreau, le célèbre astrophysicien, et être sérieux pour nous, c’est être exigeant sur tous les aspects de notre métier, faire des choix pour la planète avant le profit, participer à l’éducation de nos interlocuteurs et in fine, du consommateur, qui détient le pouvoir du porte-monnaie.

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